Aquatique

Ce rêve commence pour moi comme beaucoup d'autres, avant de tourner au cauchemar. Je tombe. Sans fin. Classique. Je croise donc les bras en attendant de me réveiller. Petit imprévu : voilà soudain que je crève la surface d'une grande flaque d'eau. Le flot salé qui s'engouffre dans ma bouche et mon nez me convainc qu'il ne s'agit pas d'une flaque mais d'une mer ou d'un océan. Autre détail désagréable, je coule. Ne pouvant pas remonter, je me noie lentement. Paniquée, je tente de me calmer et y parviens au bout d'une longue et douloureuse minute. Je touche les côtés de mon cou en pensant très fort à des branchies, qui apparaissent, bien que moins agréablement que je ne l'avais prévu. Des couteaux invisibles découpent ma chair pour ouvrir les ouies indispensables au fonctionnement de mon nouveau système respiratoire. Respirant un grand coup de soulagement, geste immédiatement regretté, me faisant avaler une grande goulée d'eau de mer à défaut d'air, je regarde autours de moi. Je coule vers un haut-fond marin tout ce qu'il y a de plus normal. Je m'assieds sur le sable au fond et attends qu'un éventuel évènement survienne.
Mon attente se voit assez brusquement récompensée. Un courant d'eau, semblable à un coup de vent sur terre, emporte soudain une grande quantité de sable, manquant de m'arracher à ma position assise et découvrant de bien curieuses choses. Une bosse que je n'avais pensé être qu'un vulgaire tas de sable se révêle être le sommet d'une tourelle. Poussée par la curiosité, je m'en approche et y découvre une fenêtre donnant sur une petite salle. J'y entre. Au fond se trouve un escalier de pierre descendant un colimaçon. Je m'assied sur une chaise de fer forgé pour réfléchir.

Je ne savais pas quoi faire, j'eus donc l'idée de me coucher pour exercer pour la première fois mon travail de manipulateur de cauchemars, seulement... Je n'arrivais pas à dormir... J'ai donc tout essayé, compter les moutons (si si, je vous jure), me tenir le pousse, ne penser à rien... Rien à faire. C'est donc au bout de deux heures que je réussis à m'endormir. Le second problème se posait maintenant, comment faire pour rentrer dans un rêve qui n'était pas le mien ? Ce n'est quand avancent sans but que je vis comme une bulle, à l'inverse de la réalité cette bulle ne contenait pas de l'air mais belle et bien de l'eau. Je pris donc mon courage (de quoi ?) à deux mains et j'entrais dans la bulle. C'est ainsi que j'eus la bonne idée de remarquer le troisième problème, comment devrais-je faire pour respirer sous l'eau ? C'est comme cela que je passas 30 bonnes secondes à suffoquer et à gesticuler. Je me mis donc à penser très fort à une combinaisons de plongé qui apparu à la suite de cette pensé, seulement voila, au même moment, une crevette passa devant moi, inconsciemment j'ai matérialisé la combinaison de plongé et la couleur de la crevette. Voila donc comment je me retrouvais pour la première fois au fin fond d'un rêve qui n'était pas à moi en combinaison rose à chercher quelqu'un à terrifier... scratch

Je continuais donc ma chasse, j'atteignis le fond sans trop de difficulté... Je scrutais le sable des yeux quand je vis une sorte de tours ensablé. Je réussis à entrer par une fenêtre ouverte (ne sachant pas que je peux traverser les murs...), je descendis des escaliers avant de tomber sur une splendide humaine assise sur une imposante chaise en fer, je restais donc caché derrière l'escalier (la honte peut être ?). Je transformai la chaise en des algues dégoutantes, la jeune femme se retrouva donc étreinte, je m'approchai d'elle tout en restant dans l'ombre, et lui dis :

_Bonjour jeune fille, je suis ici pour exercer mon métier et vous... Pour m'aider.

Soudain ma chaise se transforma en algues, qui m'enserrèrent et me ligottèrent avant que je n'aie eu le temps de réagir. Elles m'empêchaient tout bonnement de me débattre. Ma tête, seule partie de mon corps à ne pas avoir perdu sa liberté de mouvement, se tourna vers la fenêtre et vers un individu dont la vue, après quelques secondes de flottement, me fit éclater d'un rire irrépressible. Je me tordis un moment, me calmai, et recommençai à rire en voyant de nouveau l'hurluberlu affublé de sa combinaison de plongée d'un "beau" rose crevette. Encore quelques minutes plus tard, je réussis à grand-peine à me calmer définitivement. Mon esprit se souvint alors des parolesde l'intrus, que j'avais ignorées à cause de mon fou-rire. Essuyant machinalement des larmes de rire avant de me souvenir que j'étais sous l'eau, je lui répondis avec un certain labs de temps de retard :
_Exercer votre métier ? Vous êtes Manipulateur de Cauchemars, n'est-il point ? C'est étrange... J'aurais dit un homme-sandwich de poissonnerie...
Nouveau fou rire difficilement répressible.
_Bref... Reprenons notre sérieux... J'imagine que ces algues sont censées me dégoûter ? M'effrayer ? Me désespérer ? Savez-vous qu'il s'agit de laminaires, parfaitement commestibles ? Bon appétit !
Sans lui laisser le temps de réagir, je formai une bulle autours de ma tête et m'attaquai aux algues avec les dents. Elles étaient positivement délicieuses et je joignis l'utile à l'agréable. Mon repas terminé, je fis un petit signe moqueur au ridicule plongeur et me lançai à toute allure dans l'escalier de pierre.
Après un certain nombre de tours en colimaçon, je débouchai dans une grande salle aux murs couverts de somptueuses tapisseries représentant des poissons, des bancs de corail, des huîtres perlières, et même des sirènes d'une beauté surnaturelle, des majestueux serpents de mer et des tritons à l'allure fière. Une immense table flanquée de vingt chaises, le tout taillé dans l'ébène et ornementé de ciselures et de sculptures représentant des courbes épurées et gracieuses, trônait au milieu de la pièce.